Sacré ministère
Ce matin, je lisais tranquillement mon journal en savourant une tasse de café bien chaud, heureuse que la fin de semaine soit enfin arrivée. Par la fenêtre je voyais le soleil briller gaiement dans une vaine tentative de faire remonter le mercure au thermomètre. Un maigre 5.5°C me promettait du rouge aux joues en ramassant les feuilles mortes et le plaisir d'être ensuite bien au chaud à l'intérieur. Une belle journée s'annonçait... et comme il le fait souvent, Richard Martineau est venu gâcher ma bonne humeur avec sa chronique.
Bien sûr, je ne saurais lui en tenir rigueur puisqu'il ne faisait que rapporter les propos de sa fille concernant le nouveau cours d'éthique et culture religieuse. L'effet sur mon moral n'en fut pas moins dévastateur.
Je tiens à préciser d'emblée que je ne fais pas partie de ces parents qui s'indignent et protestent contre ce changement apporté au cursus de nos enfants. Au contraire, j'étais très heureuse d'apprendre que ma progéniture allait enfin avoir une alternative aux cours de morale (qui sont offerts aux enfants dont les parents ne veulent pas du cours de religion catholique ou protestante). Avec le cours d'éthique et culture religieuse, ils allaient acquérir des connaissances sur diverses religions, découvrir le secret de leur ami Rajit qui porte un foulard avec une boule sur le front et savoir pourquoi Aïcha et Omar demandent toujours s'il y a de la gélatine dans la recette de l'atelier-cuisine. Ils allaient s'ouvrir sur le monde, un monde qui, dans leur cas, habite à un coin de rue, souvent dans un HLM.
Mon enthousiasme a baissé d'un cran en lisant M. Martineau ce matin. Questionnée sur ce qu'elle apprenait dans son cours, sa fille a répondu: "Cette semaine on va redessiner le drapeau québécois. Le prof dit qu'il n'est plus représentatif de la nouvelle réalité parce qu'il y a une croix dessus. Il faut en créer un autre qui refléterait mieux le Québec d'aujourd'hui..." La suite de la chronique est digne d'un Richard Martineau en colère, une colère tout à fait justifiée selon moi.
En fait, je suis tellement hors de moi que j'ai du mal à trouver les mots pour le décrire. J'espère, de tout mon coeur, qu'il s'agit de l'erreur isolée d'un prof inconscient. Je ne peux pas croire que les fonctionnaires du ministère de l'éducation aient pu être assez stupides pour songer à mettre cet exercice ridicule au programme d'un cours dont les farouches opposants n'attendent qu'un prétexte pour mobiliser leurs troupes dans une protestation massive et bruyante. Je ne veux pas imaginer que des imbéciles, quelque part dans leur bureau, aient pu penser que la meilleure façon d'ouvrir les jeunes Québécois sur le monde soit de les couper de leur propre passé.
Je suis juive. Mon mari est athée. Mais nous avons tous les deux grandi dans une société catholique (assaisonnée d'un peu de protestantisme) et nous continuons, encore aujourd'hui, à en célébrer les fêtes. Même si Pâques est représentée par le lapin qui cache des oeufs et Noël par un gros monsieur à barbe blanche qui donne des cadeaux, ces fêtes font partie de nos traditions et elles servent à baliser le passage du temps. Même si ces événements ne sont que le prétexte à se retrouver en famille et entre amis, doit-on pour autant dire qu'ils sont devenus inutiles? Par quoi les remplacera-t-on si on les jette à la poubelle? Ne devrait-on pas plutôt enseigner aux enfants, justement, la base religieuse de ces fêtes, sans leur imposer ces prémisses comme des vérités historiques mais comme des idées ayant contribué à façonner le développement de leur culture et de leur patrimoine? Je continue à croire que le cours d'éthique et culture religieuse est le medium idéal pour remplacer le bébé que nous avons jeté avec l'eau du bain en nous secouant du joug de l'église catholique.
Il y a une croix sur le drapeau du Québec? Je devrais peut-être en avoir honte, mais je ne l'avais même jamais remarqué. Ce drapeau représente pour moi l'espoir d'un pays que je voudrais voir naître. Le voir excite invariablement la fibre nationaliste en moi, et il en serait probablement ainsi même s'il était violet avec des papillons qui volent. C'est mon drapeau, il représente la nation dont je fais partie, et j'en suis fière. On ne va tout de même pas commencer à changer les symboles historiques sous prétexte que cette nation s'est enrichie de nouvelles couleurs culturelles!
Il y a vraiment des jours où je me demande ce que je fais ici. Entre le Canada d'Harper et le Québec du neutralisme-chiffe-molle institutionnalisé, je n'arrive plus à décider si je suis de droite ou de gauche, finalement...